“LES ENFANTS QUI ONT UNE SCLéROSE EN PLAQUES NE DOIVENT PAS CHANGER LEUR VIE”

Pourquoi docteur : Quelle est la prévalence de la sclérose en plaques chez l’enfant ?

Pr Deiva Kumaran : D’après nos calculs effectués il y a environ trois ans en France, on a 0,66 enfant atteint de sclérose en plaques pour 100.000 enfants de moins de 18 ans. En comparaison chez l’adulte, c’est 197 cas pour 100.000 habitants. Concrètement, on prend en charge chaque année 40 à 50 nouveaux enfants avec une SEP. Et ce qu’il est important de savoir, c’est que les enfants de tout âge peuvent être atteints de sclérose en plaques.

SEP de l'enfant : "on peut la diagnostiquer dès la première poussée"

Les cas sont-ils plus nombreux que par le passé ?

On a eu l’impression d’une augmentation à une époque, car avant 2020, on calculait aux alentours de 20 à 30 cas par an. Mais je pense que c’est plutôt lié aux critères diagnostiques qui ont changé. Avant, on attendait deux poussées pour confirmer la SEP alors qu’aujourd'hui, on peut la diagnostiquer dès la première poussée.

On constate que les filles sont plus touchées que les garçons, comment l’explique-t-on ?

Chez les enfants de moins de 10 ans, il y a autant de filles que de garçons. Quand on passe au-dessus de 10 ans, et en particulier au-dessus de l’âge pubertaire, qui est autour de 12 ans, on retrouve beaucoup plus de filles que de garçons, comme c’est le cas chez l’adulte. Cela est très probablement lié au facteur hormonal.

Quels sont les signes cliniques de cette maladie auto-immune chez l'enfant ?

Une fois de plus, il y a des différences en fonction de l’âge de l’enfant. Au-dessus de 12 ans, les premiers symptômes correspondent aux atteintes des voies longues, c’est-à-dire des troubles de la marche ou de l’équilibre, des troubles de la sensibilité (par exemple la sensation que la main est lourde), et des troubles moteurs. Ensuite, en seconde position, il y a les atteintes des nerfs optiques, c’est-à-dire des troubles de la vision. Enfin, il y a les atteintes du tronc cérébral qui peuvent se caractériser par une paralysie faciale, des vertiges, ou encore des troubles de la déglutition et de la parole.

Chez les enfants de moins de 12 ans, et en particulier ceux en dessous de 10 ans, on a un tableau clinique un peu explosif qu’on appelle une “encéphalomyélite aiguë disséminée”, avec des enfants qui sont parfois dans le coma. Mais les signes essentiellement présents sont des troubles moteurs, des troubles sensitifs et des troubles de la conscience.

La forme la plus fréquente chez l’enfant est la même que chez l’adulte : c’est la forme “rémittente”.

Pourquoi le diagnostic de la SEP chez l’enfant est particulièrement difficile ?

Le diagnostic de la sclérose en plaques est plus difficile chez l’enfant car on procède à un diagnostic différentiel, c’est-à-dire qu’on doit d’abord éliminer toutes les autres maladies métaboliques qui peuvent mimer la SEP avant de pouvoir la diagnostiquer.

Comment évolue la pathologie ?

La forme la plus fréquente chez l’enfant est la même que chez l’adulte : c’est la forme “rémittente”. La maladie évolue par poussées qui durent plus de 24 heures, qui se caractérisent par une fièvre sans autres causes associées. Si on ne traite pas, cela peut s’estomper tout seul au bout de 48 heures, trois jours, une semaine ou un mois, et ensuite on “récupère”.

Après, il y a la forme dite “progressive” : ici on ne fait pas de poussées, l’état se dégrade progressivement sur le plan neurologique avec des lésions visibles à l’IRM. Cette forme-là est extrêmement rare chez l’enfant. Dans la littérature scientifique, on parle de 7 % des cas à peu près, mais c’est certainement beaucoup moins car on n’a aucune forme progressive actuellement identifiée dans notre cohorte au MIRCEM.

Une forme entre les deux existe également, on l’appelle la “rémittente secondairement progressive”. C’est une forme rémittente avec des successions de poussées et de récupérations, mais au bout d’un moment, le patient récupère de moins en moins, jusqu’à ne plus récupérer du tout. Je ne vois jamais cette forme-là chez mes patients, mais c’est peut-être parce que je m’arrête au suivi à 18 ans.

SEP : "les enfants récupèrent beaucoup plus facilement et d’une meilleure façon"

Quelles sont les différences entre la SEP chez l’adulte et celle chez l’enfant ?

La maladie chez l’enfant peut être très active comparée à la SEP chez l’adulte : les enfants font beaucoup plus de poussées et à l’IRM, on voit beaucoup plus de lésions. Mais ce n’est pas parce qu’ils font beaucoup plus de poussées et qu’ils ont beaucoup plus de lésions que c’est beaucoup plus grave. En fait, les enfants récupèrent beaucoup plus facilement et d’une meilleure façon, notamment parce que les mécanismes immunologiques sont beaucoup plus efficaces quand ils sont “naïfs” d’infection ou autres.

Par ailleurs, une étude réalisée il y a plusieurs années en France, dans laquelle on a comparé les patients adultes qui ont débuté la SEP durant leur enfance et ceux qui l’ont débutée à l’âge adulte, a montré que quand on commence la maladie durant l’enfance, l’évolution vers la forme secondairement progressive met plus de temps à s’installer.

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